Depuis la crise de 2008 et son impact sur le pouvoir d'achat des ménages, les sites offrant des coupons de réductions via internet se sont démultipliés.
Parmi ces derniers, les "sites de deals" ont été les plus médiatisés.
Encouragés par la réussite des pionniers (MyDeal, Hmizate), plusieurs sociétés se sont lancées sur ce créneau au Maroc. Comment expliquer ce succès ? S'agit-il bien d'une opération rentable pour les commerçants et les clients ?
Le site négocie une promotion avec un commerçant (ex : 50% sur le produit X).
Cette promotion est mise en avant via divers supports et moyens pendant 24/72h. On parle d'achats "groupés" puisque la dite promotion n'est validée que si un nombre minimum d'acheteurs la réservent. Dès lors, elle devient disponible pour tout le monde.
Note : Je ne m'attarde pas sur cette partie, car il me semble que leur principe de fonctionnement est connu par le "grand public" du web. Sinon, voir la définition sur Wikipédia.
A priori, pour le commerçant, l'idée sous-jacente est formidable : faire du marketing sans débourser le moindre centime.
L'astuce : le commerçant NE DECAISSE PAS de trésorerie, il accepte plutôt un MANQUE A GAGNER, en échange d'une mise en avant sur internet et l'acquisition de nouveaux clients.
En ces temps de crise, avouez que ça semble intéressant !
Du côté du client final, la valeur ajoutée est indéniable ! Pour vous et moi, ces sites sont un excellent moyen de découvrir une palette diversifiée de produits et services sans engager un gros budget.
Cependant, en analysant la situation de plus près, une autre réalité émerge.
Récemment, le gérant d'un centre d'esthétique m'a confié son regret d'avoir réalisé un deal avec l'un de ces sites.
La cause ? Mal conseillé par un commercial, il n'a pas limité le nombre de coupons à distribuer.
Le résultat ? un discount de 50% acheté par 70 personnes.
Le problème ? il n'avait que 60 plages horaires disponibles au cours des 2 mois suivants (durée de validité de la promotion).
Donc, faute de disponibilité, 10 clients n'ont pu profiter du coupon de réduction acheté. De plus, sur les 60 personnes attirées, seuls 5 sont revenues.
Faisons le calcul :
Le prix "normal" du service en question était de 100 dhs.
Mais il était vendu à 50 dhs sur le site de deals (donc réduction de 50% offerte aux internautes).
Sur les 50 dhs récoltés, le site prélève une commission de 20% (donc 10dhs ici).
En fin de compte, le commerçant touche 40 dhs par prestation (au lieu de 100) : son "manque à gagner" est de 60 dhs par client. Ayant attiré 60 clients, le "manque à gagner" total s'élève à 3 600 dhs.
C'est sur ce montant là qu'il faut se focaliser, puisque le "manque à gagner" n'est rien d'autre qu'un "investissement marketing déguisé" !
Et c'est le nombre de clients revenant régulièrement au commerce qu'il faut analyser, puisque l'objectif d'une action marketing est d'accroître le nombre de clients réguliers.
Un "manque à gagner" de 3 600 dhs pour obtenir 5 clients "fidèles", cela nous donne un investissement de 600 dhs par tête.... Avouez que ça fait cher le client ! Sans oublier les 10 clients insatisfaits n'ayant pu profiter de l'offre (et qui lui feront un peu de publicité négative).
En analysant leur business model, plusieurs dysfonctionnements sautent aux yeux. En voici les plus flagrants :
Tout d'abord, les intérêts des parties prenantes sont clairement opposés : L'objectif du site de deals est d'orienter les internautes vers de nouveaux deals chez de nouveaux commerçants.
La clientèle attirée est donc composée de "chasseurs de deals", par définition volatiles et peu susceptible de revenir. Alors que l'objectif du commerçant est d'acquérir des clients à long terme en vue d'optimiser son repeat business.
En outre, toutes choses égales par ailleurs, certains clients souhaitent acquérir un produit/service donné et sont prêts à payer plein pot. Mais, voyant le deal, préfèrent plutôt prendre la promotion. On parle ici d'effet d'aubaine (exemple via tweet).
Quant à la "publicité" et l'exposition médiatique qu'un site de deals se targue d'offrir aux commerçants, il faudrait plutôt le qualifier de buzz temporaire.
L'offre est médiatisée pendant 24 à 72H, aucune stratégie marketing particulière n'est suivie (communiquer sur les valeurs du commerce, renforcer sa notoriété,...) et l'accent est clairement mis sur le prix : c'est l'équivalent internet de vendeurs criant "Réclame ! Réclame!".
Mais le client n'est pas à l'abri non plus!
En effet, ces sites offrent parfois des promotions artificielles pour attirer le chaland.
Cela est d'autant plus dangereux dans le contexte marocain, où nous n'avons ni régulateur du web (type la HACA pour l'audiovisuel), ni association de consommateurs puissante.
En Europe et aux Etats-Unis, les commerçants sont conscients des risques potentiels d'un tel système de promotion.
Le web regorge de témoignages de commerçants insatisfaits : certains ont dû fermer leur boutique, d'autres se "groupent" (le comble!) pour attaquer en justice un site de deals.
Au Maroc, il y'a malheureusement très peu de feedback de la part des clients et commerçants (si vous le souhaitez, vous pouvez témoigner en commentaires). Et peu de médias marocains creusent la question.
Cependant, il serait faux de dire que les sites de deals n'ont eut aucun impact positif sur le marché marocain : ils ont participé à la démocratisation du paiement en ligne et donné aux commerces indépendants un premier aperçu des possibilités de promotion offertes par le web.
De même, l'argument selon lequel ces sites attirent une clientèle "volatile" doit être contextualisé : les coupons de réduction étant achetés en ligne via carte bleue, ces sites prétendent plutôt attirer une clientèle marocaine aisée (CSP+).
D'un autre côté, peut-être suis-je en décalage avec la réalité...
Lorsque j'ai soulevé les interrogations citées ci-dessus face à un gérant d'hôtel ayant fait appel à un site de deals, il me répondit : "Je m'en fous! Tant qu'ils me ramènent des clients et que ça m'aide à faire tourner la boutique, ça me va!"
Au final, leur réussite est sans doute dû au cumul de tous ces facteurs :
CONCLUSION
L'idée en elle-même (grouper des acheteurs pour leur fournir des réductions) est intéressante et mérite d'être creusée. Mais l'approche actuelle doit être revue si les sites de deals souhaitent créer un modèle gagnant pour l'ensemble des parties prenantes, condition sine qua none pour péreniser leur business.
Groupon, le leader mondial, l'a bien compris et cherche à aller au-delà des "deals" en offrant une solution globale aux petits commerçants (prise de rendez-vous en ligne, réduction géolocalisées, programme de fidélité ...).
Cependant, en terme de marketing online, je persiste à croire qu'il existe des investissements plus rentables : la création d'un blog thématique, une présence active sur les réseaux sociaux, le dialogue avec les internautes intéressés par vos produits/services auront un meilleur impact sur votre business à moyen/long terme.
Le géant Américain Groupon qui a lancé la tendance au niveau mondial se retrouve aujourd'hui dans les abysses des bourses suite à des résultats moroses et une perte de rentabilité. (Article payant http://pro.gigaom.com/2012/08/groupocalypse-groupon-loses-its-way/)
Nos sites Marocains de deals innoveront-ils suffisamment pour échapper à cette fin Groupocalypse ?
Retrouvez la liste quasi-complète des pages Facebook des sites de Deals au Maroc (Réalisée par Mehdi Tazi) : https://www.facebook.com/lists/10150877290957158
Ceci est le premier post collaboratif à paraitre sur BigBrother.ma : N'hésitez pas à participer, commenter et donner votre avis.
Parmi ces derniers, les "sites de deals" ont été les plus médiatisés.
Encouragés par la réussite des pionniers (MyDeal, Hmizate), plusieurs sociétés se sont lancées sur ce créneau au Maroc. Comment expliquer ce succès ? S'agit-il bien d'une opération rentable pour les commerçants et les clients ?
LE PRINCIPE DU DEAL
Le site négocie une promotion avec un commerçant (ex : 50% sur le produit X).
Cette promotion est mise en avant via divers supports et moyens pendant 24/72h. On parle d'achats "groupés" puisque la dite promotion n'est validée que si un nombre minimum d'acheteurs la réservent. Dès lors, elle devient disponible pour tout le monde.
Note : Je ne m'attarde pas sur cette partie, car il me semble que leur principe de fonctionnement est connu par le "grand public" du web. Sinon, voir la définition sur Wikipédia.
QUELS AVANTAGES POUR LE COMMERCANT ET LE CLIENT ?
A priori, pour le commerçant, l'idée sous-jacente est formidable : faire du marketing sans débourser le moindre centime.
L'astuce : le commerçant NE DECAISSE PAS de trésorerie, il accepte plutôt un MANQUE A GAGNER, en échange d'une mise en avant sur internet et l'acquisition de nouveaux clients.
En ces temps de crise, avouez que ça semble intéressant !
Du côté du client final, la valeur ajoutée est indéniable ! Pour vous et moi, ces sites sont un excellent moyen de découvrir une palette diversifiée de produits et services sans engager un gros budget.
Cependant, en analysant la situation de plus près, une autre réalité émerge.
LA PREUVE PAR LES CHIFFRES
Récemment, le gérant d'un centre d'esthétique m'a confié son regret d'avoir réalisé un deal avec l'un de ces sites.
La cause ? Mal conseillé par un commercial, il n'a pas limité le nombre de coupons à distribuer.
Le résultat ? un discount de 50% acheté par 70 personnes.
Le problème ? il n'avait que 60 plages horaires disponibles au cours des 2 mois suivants (durée de validité de la promotion).
Donc, faute de disponibilité, 10 clients n'ont pu profiter du coupon de réduction acheté. De plus, sur les 60 personnes attirées, seuls 5 sont revenues.
Faisons le calcul :
Le prix "normal" du service en question était de 100 dhs.
Mais il était vendu à 50 dhs sur le site de deals (donc réduction de 50% offerte aux internautes).
Sur les 50 dhs récoltés, le site prélève une commission de 20% (donc 10dhs ici).
En fin de compte, le commerçant touche 40 dhs par prestation (au lieu de 100) : son "manque à gagner" est de 60 dhs par client. Ayant attiré 60 clients, le "manque à gagner" total s'élève à 3 600 dhs.
C'est sur ce montant là qu'il faut se focaliser, puisque le "manque à gagner" n'est rien d'autre qu'un "investissement marketing déguisé" !
Et c'est le nombre de clients revenant régulièrement au commerce qu'il faut analyser, puisque l'objectif d'une action marketing est d'accroître le nombre de clients réguliers.
Un "manque à gagner" de 3 600 dhs pour obtenir 5 clients "fidèles", cela nous donne un investissement de 600 dhs par tête.... Avouez que ça fait cher le client ! Sans oublier les 10 clients insatisfaits n'ayant pu profiter de l'offre (et qui lui feront un peu de publicité négative).
UN BUSINESS MODEL "BIZARRE"
En analysant leur business model, plusieurs dysfonctionnements sautent aux yeux. En voici les plus flagrants :
Tout d'abord, les intérêts des parties prenantes sont clairement opposés : L'objectif du site de deals est d'orienter les internautes vers de nouveaux deals chez de nouveaux commerçants.
La clientèle attirée est donc composée de "chasseurs de deals", par définition volatiles et peu susceptible de revenir. Alors que l'objectif du commerçant est d'acquérir des clients à long terme en vue d'optimiser son repeat business.
En outre, toutes choses égales par ailleurs, certains clients souhaitent acquérir un produit/service donné et sont prêts à payer plein pot. Mais, voyant le deal, préfèrent plutôt prendre la promotion. On parle ici d'effet d'aubaine (exemple via tweet).
Avoir envie de voir le Cirque du Soleil à Casablanca et voir qu'il y a un deal à -25%. #happy
— Menjesbi (@Menjesbi) Mars 1, 2012
Quant à la "publicité" et l'exposition médiatique qu'un site de deals se targue d'offrir aux commerçants, il faudrait plutôt le qualifier de buzz temporaire.
L'offre est médiatisée pendant 24 à 72H, aucune stratégie marketing particulière n'est suivie (communiquer sur les valeurs du commerce, renforcer sa notoriété,...) et l'accent est clairement mis sur le prix : c'est l'équivalent internet de vendeurs criant "Réclame ! Réclame!".
Mais le client n'est pas à l'abri non plus!
En effet, ces sites offrent parfois des promotions artificielles pour attirer le chaland.
Cela est d'autant plus dangereux dans le contexte marocain, où nous n'avons ni régulateur du web (type la HACA pour l'audiovisuel), ni association de consommateurs puissante.
L'EXCEPTION MAROCAINE
En Europe et aux Etats-Unis, les commerçants sont conscients des risques potentiels d'un tel système de promotion.
Le web regorge de témoignages de commerçants insatisfaits : certains ont dû fermer leur boutique, d'autres se "groupent" (le comble!) pour attaquer en justice un site de deals.
Au Maroc, il y'a malheureusement très peu de feedback de la part des clients et commerçants (si vous le souhaitez, vous pouvez témoigner en commentaires). Et peu de médias marocains creusent la question.
Cependant, il serait faux de dire que les sites de deals n'ont eut aucun impact positif sur le marché marocain : ils ont participé à la démocratisation du paiement en ligne et donné aux commerces indépendants un premier aperçu des possibilités de promotion offertes par le web.
De même, l'argument selon lequel ces sites attirent une clientèle "volatile" doit être contextualisé : les coupons de réduction étant achetés en ligne via carte bleue, ces sites prétendent plutôt attirer une clientèle marocaine aisée (CSP+).
D'un autre côté, peut-être suis-je en décalage avec la réalité...
Lorsque j'ai soulevé les interrogations citées ci-dessus face à un gérant d'hôtel ayant fait appel à un site de deals, il me répondit : "Je m'en fous! Tant qu'ils me ramènent des clients et que ça m'aide à faire tourner la boutique, ça me va!"
Au final, leur réussite est sans doute dû au cumul de tous ces facteurs :
- des commerçants qui n'analysent pas en profondeur la rentabilité financière et marketing de l'opération.
- un contexte économique morose où toute opération marketing et tout client supplémentaire sont bons à prendre.
- une absence de feedback de la part des personnes ayant expérimenté ce système.
- un effet de mode dû à la nouveauté du service.
CONCLUSION
L'idée en elle-même (grouper des acheteurs pour leur fournir des réductions) est intéressante et mérite d'être creusée. Mais l'approche actuelle doit être revue si les sites de deals souhaitent créer un modèle gagnant pour l'ensemble des parties prenantes, condition sine qua none pour péreniser leur business.
Groupon, le leader mondial, l'a bien compris et cherche à aller au-delà des "deals" en offrant une solution globale aux petits commerçants (prise de rendez-vous en ligne, réduction géolocalisées, programme de fidélité ...).
Cependant, en terme de marketing online, je persiste à croire qu'il existe des investissements plus rentables : la création d'un blog thématique, une présence active sur les réseaux sociaux, le dialogue avec les internautes intéressés par vos produits/services auront un meilleur impact sur votre business à moyen/long terme.
Note de Bigbrother.ma :
Cet article a été rédigé par Youssef, auteur du blog Yniim où il analyse l'impact des nouvelles technologies sur l'économie et la société (vous pouvez le suivre sur Facebook ou Twitter). Ici, il décrypte le business-model des sites de deals, ce e-business qui fait des heureux et moins heureux.Le géant Américain Groupon qui a lancé la tendance au niveau mondial se retrouve aujourd'hui dans les abysses des bourses suite à des résultats moroses et une perte de rentabilité. (Article payant http://pro.gigaom.com/2012/08/groupocalypse-groupon-loses-its-way/)
Nos sites Marocains de deals innoveront-ils suffisamment pour échapper à cette fin Groupocalypse ?
Retrouvez la liste quasi-complète des pages Facebook des sites de Deals au Maroc (Réalisée par Mehdi Tazi) : https://www.facebook.com/lists/10150877290957158
Ceci est le premier post collaboratif à paraitre sur BigBrother.ma : N'hésitez pas à participer, commenter et donner votre avis.