La photo de groupe du Gouvernement Benkirane. |
Un gouvernement au gout de suspens, puisqu'en attente de sa formation, nous avions eu droit de la part de la presse à tous types de rumeurs, de spéculations et d'analyses parfois rocambolesques.
Est-ce la faute de la presse seulement ? Bien-sur que non. Un Benkirane qui communique ou le Palais qui diffuse des communiqués de presse auraient pu nous épargner ces moments de doute.
Ne soyons pas rabat-joie et donnons à César ce qui est à César : Benkirane devait négocier -surtout- avec des partenaires coriaces.
Mais regardons de plus près les grandes lignes du gouvernement Benkirane.
Fini les ministères de souveraineté ? Hmm, Oui.
Avant, on décrivait les ministères de l'intérieur, des affaires étrangères, de la justice, des habous et affaires islamiques comme étant ministères de souveraineté (relevant exclusivement du ressort du Roi).
Le ministère de l'intérieur, jadis nommé la mère de tous les ministères bascule chez le Mouvement Populaire avec Mhaned Laensar.
Les affaires étrangères bascule du coté PJD, avec l'ex-secrétaire général du parti, à savoir Saad Eddine El Othmani.
La Justice aussi passe du coté du PJD, avec Mustapha Ramid. Cette nomination a fait l'objet d'une multitude de spéculations aussi de la part de la presse. Mais tout ces ragots se sont avérés faux.
Les habous et affaires islamiques sont resté sous l'égide du Roi avec Ahmed Toufiq. Benkirane avait lui-même déclaré et à plusieurs reprises que les affaires islamiques relevaient du Roi et de lui-seul.
Il reste un seul ministère de souveraineté, qui est en réalité, le filtre de toute l'activité législative du gouvernement : il s'agit du secrétariat général du Gouvernement. Un poste très technique et qui est resté dans les mains de Driss Dahak.
En tout, les postes les plus sensibles sont aux mains des politiciens que ça soit, l'intérieur, la justice ou les affaires étrangères. Et il est évident que c'est la fin des ministères de souveraineté : un très grand pas en avant.
Les ministres délégués à l'intérieur et aux affaires étrangères sont des "professionnels" en la matière : Charki Draiss, ministre délégué à l’intérieur et Youssef Lamrani aux affaires étrangères.
La main du palais, ou le gouvernement de l'ombre comme le nommaient certains :
Une grosse supercherie !
La composition du gouvernement est claire : C'est un gouvernement Politique.
Certains, dont la grande majorité étaient pour le boycott des élections, n'ont pas arrêté de marteler que le palais créait un gouvernement de l'ombre avec les dernières nominations des conseillers du Roi.
Il est évident que ce gouvernement de l'ombre n'existe que dans un fantasme collectif.
Les chefs des partis de la coalition sont tous là sauf Abass mais...
Les partis qui forment la coalition sont : PJD, MP, PPS, et Istiqlal.
Tous les chefs de ces partis ont été nommés dans le gouvernement, le MP avec Mhaned Laensar, le PPS avec Nabil Benabdellah dans le ministère de l'habitat sauf l'Istiqlal dont le secrétaire Général est Abass El Fassi.
Sauf que quand Abass el Fassi n'est pas là, il y a son gendre, Nizar Baraka dans le colossale ministère des finances. Peut-être c'est le seul tort de Baraka qui, quoi que l'on dise, a une certaine maitrise des dossiers économiques.
Je suppose que le combat pour le ministère des finances était rude entre PJD et Istiqlal. L'Istiqlal qui a perdu le ministère de l'équipement au profit du PJD.
Ils sont bien coriaces chez l'Istiqlal. En plus, la survie même de ce parti tel qu'on le connait était compromise s'il n avait aucun ministère d'une très grande importance.
Et la compétence dans tout cela ?
Il est évident qu'il y a des ministres qui sont connus pour leurs grandes compétences dans leur vie professionnelle... Mais gérer un ministère, un pays, c'est une autre paire de manches.
Spéculer en positif ou en négatif sur la compétence du gouvernement Benkirane relève plus d'une acrobatie qu'autre chose.
Il est sûr que nous sommes devant un nouveau champ d'action gouvernementale avec la nouvelle constitution qui donne le dernier mot au parlement, y compris à l'opposition. Et nous sommes aussi devant un gouvernement politique.
Tout a changé.
La nomination d'Akhenouch ?
Au fait, il y a deux critiques réelles à apporter à la composition du gouvernement Benkirane. La nomination d'Akhennouch en est une.
La compétence ou l'efficacité d'Akhennouch est une chose sur laquelle je ne vais pas m'attarder. Mais qu'un élu parlementaire comme étant un membre du RNI (parti à l'opposition) qui dépose sa démission du parti pour rejoindre le gouvernement est un non sens.
Encore une fois, ce n'est pas Akhennouch ou sa compétence que je remets en question mais bien porter atteinte à la crédibilité électorale.
Dans le respect des électeurs, de la pratique démocratique, si on est dans un parti, et que l'on fait toute sa campagne électorale comme étant membre de ce parti et puis on le quitte pour un poste porte atteinte à la crédibilité du processus lui-même.
Et il semblerait, selon certains journaux dont Akhbar Al Yawm, que c'était une demande de la part de Abdelillah Benkirane lui-même.
On pouvait s'en passer.
Et les femmes ? Ah oui, il y en a une.
La deuxième critique que l'on peut émettre est qui est de taille est le recul de la présence féminine au sein du gouvernement.
Après 8 femmes dans le gouvernement Abass, on se retrouve avec une seule femme et PJD dans le ministère de la solidarité, Mme Bassima El Hakkaoui. Même dans la photo de groupe, on l'aperçoit à peine.
Une ministre souvent critique envers les féministes.
Qui faut-il blâmer ? En réalité, la présence féminine dans les instances de nos partis est quasi inexistante. Ce qui les met en inadéquation par rapport à la constitution du 1er Juilet.
Les partis sont aussi, une expression miniature de notre société, qui avouons le, néglige le rôle de la femme dans la politique.
Certains diront que c'est un luxe de penser à la représentation féminine au sein du gouvernement et nous avons d'autres chats à fouetter. Ce qui est faux.
Mais bon, cela était ma lecture des choses.
N'oublions pas que le gouvernement Benkirane ne sera totalement fonctionnel qu'après passage devant le parlement Marocain.
Benkirane exposera le programme gouvernemental devant la première chambre. Il s'en suivra un vote de confiance -acquis d'avance-, le gouvernement sera alors le premier gouvernement Marocain sous la nouvelle constitution.
Et pourquoi pas, le premier gouvernement issu de la volonté électorale.
Je souhaite beaucoup de réussite au gouvernement Benkirane : les attentes sont immenses, et les obligations le sont encore plus.
Et je dis Bravo et félicitations à mon pays. Et... au Boulot tout le monde.