Dimanche, le dernier jour avant l'Aïd El Kébir (fête du mouton) au Maroc, les prix de vente des moutons ont chuté de manière inhabituelle.
Cette info qui peut paraitre anodine (et même rigolote) à première allure, aura un impact très négatif sur toute l'économie Nationale.
L'Aïd qui est une occasion extra-ordinaire de redistribution de cash (et de richesses) venu des villes vers le secteur rural, permet non pas seulement de faire vivre les 1,1 millions de foyers ruraux, mais à moyen terme, ces mêmes familles rurales s’approvisionnent chez les entreprises plus ou moins structurées des villes.
Cela fait un circuit urbain-rural et vice-versa d'une réelle création de richesses.
Malheureusement, aucun de nos économistes n'a pris le temps d'étudier l'impact économique de ce phénomène socio-religieux sur notre économie. Personne ne sait quel est le nombre réel d'ovins vendus lors du dernier Aïd, le nombre mis en vente, le chiffre d'affaires engendré...
Mais les indicateurs ne trompent pas : la semaine avant l'Aïd est la semaine ou il y a le plus de cash dans les agences bancaires. Les retraits explosent.
La demande en nombre de moutons (selon les estimations de l'état) est de 5 Millions de têtes.
Avec un calcul sommaire (j'ai estimé le prix moyen à 1800 Dhs), on arrive à un chiffre d'affaires de 9 Milliards de Dirhams durant la semaine de l'Aïd !!! (Un peu moins que le budget annuel du ministère de la santé).
Une grande partie de cet argent est injecté en cash sans payer de taxes (ou très peu).
Le Mouton, un produit "100%" national :
En regardant le "Life cycle cost" le cout de cycle de vie (une méthode managériale de calcul du cout d'un produit depuis sa conception jusqu'à sa totale destruction), on retrouve que le cout du Mouton tel que vous l'achetez dans un souk comprend très peu de produits d'importation.
L'agneau Marocain se nourrit en moyenne (selon cette étude de 2002, 2003 http://www.inra.org.ma/publications%5Couvrages%5Celevagemouton.pdf ) de seulement 13% de nourriture produite de manière industrielle.
Avec le transport, c'est les rares étapes ou la production du produit "Mouton" comporte des produits importés (le gasoil importé utilisé pour le transport par exemple.)
Le Mouton grandit et se nourrit de produits purement marocains aussi. Même son usage finale, hormis le coté alimentaire, permet de générer de la matière première pour plusieurs autres industries purement Marocaines : Comme l'industrie du cuir et la laine.
Produire des moutons, ça fait moins de chomages -ou plus d'emplois- :
Là aussi, il y a peu d'études précises sur le sujet (à savoir ce que font nos économistes) mais selon l'estimation faite dans cette étude, le secteur de l'élevage (toutes catégories confondues) crée plus de 20% des postes d'emploi au Maroc.
La situation actuelle : Offre supérieure à la demande, ou bien les Marocains font de moins en moins l'Aïd :
Quand on voit que les négociants de Mouton baissent les prix (parfois à perte) de leurs moutons le dernier jour avant l'Aïd cela veut dire une chose : que le nombre de moutons mis en vente dépassait la demande.
Une demande qui elle-même s'est probablement se rétracte d'année en année car les Marocains préfèrent de plus en plus à partir en vacances au lieu de faire le rituel de l'Aïd.
D'ailleurs, cela est évident quand on voit les offres promotionnelles des hôteliers durant cette période de l'année. Il y a un marché juteux pour le tourisme local qui grandit de plus en plus.
Cela veut dire aussi que les sommes destinées initialement à l'achat d'un mouton ira dans le tourisme : Un service qui reste assez polémique en matière de créations d'emplois et de souveraineté économique.
La relative force de notre économie Marocaine se nourrit en partie du "Mouton", ce produit national qui est aussi une source de cohésion sociale.
Pour moi, il n y a pas photo, Vive le Mouton, même égorgé.