On dit que le PJD a gagné les élections du 25 Novembre. Il a raflé 107 sièges sur 395.
En lisant cette phrase répétée un peu partout, on peut croire que les jeux sont faits, que tout va venir "automatiquement" : Nomination du chef du gouvernement, formation d'un gouvernement fort.
Alors que la réalité est toute autre, et figurez-vous que la pièce maîtresse de la formation du prochain gouvernement n'est pas le PJD (il en est le maestro) mais bien la gauche (USFP+PPS).
Nomination du chef de gouvernement :
La constitution du 1er juillet 2011, a mis un cadre pour la nomination du chef du gouvernement. Le Roi a l'obligation de choisir le chef du gouvernement parmi les membres du parti qui a eu le plus de sièges au parlement. Et dans le cas échéant, c'est le PJD.
Sauf que cette obligation n'est pas limitée au Secrétaire général du parti (Abdelillah Benkirane) puisque le Roi peut choisir une autre personnalité du parti. Et là, un autre nom émerge : Saad Eddine El Othmani, ex-Secrétaire général du PJD.
Chacun d'entre eux a son caractère et ses compétences. Benkirane a la langue facile. Pour certains, cette caractéristique et la possibilité d'un dérapage verbale d'un chef du gouvernement fait peur. El Othmani a plus de caractère mais aussi plus de "sagesse verbale".
Il est difficile de savoir qui sera désignée par le Roi.
Les scénarios du prochain gouvernement : l'USFP pièce maîtresse, mais à ses risques et périls.
Après la nomination du chef du gouvernement, la suite sera les négociations pour la formation d'un gouvernement avec une majorité parlementaire.
Cela veut dire en chiffre que les partis composant le gouvernement doivent avoir au total un nombre de sièges qui dépasse la moitié des sièges du parlement (au moins) = 395/2 = 198 sièges.
Puisque le PJD a 107 sièges, il doit chercher 90 sièges de plus chez d'autres partis en les intégrant dans son gouvernement.
Il faut savoir aussi que le parti Istiqlal a déclaré dès les premières annonces des chiffres donnant le PJD comme gagnant, qu'il est prêt à s'allier au PJD pour former un parti.
Au Total, on a un PJD + PI qui fait 167 sièges.
Et là, on rentre dans le grand flou. Si on s'arrêtait que sur les chiffres, on peut dire qu'un PJD+PI+USFP = 206 sièges. Et là, la majorité est garantie.
Sauf que cette option implique que l'USFP, un parti profondément de gauche s'associe avec le PJD, un parti profondément de Droite. L'Istiqlal est un parti "hybride". Il s'adapte pour être un peu partout.
Si aujourd'hui l'USFP a autant de pouvoir, c'est qu'il est impossible que le PJD s'associe avec le RNI et le PAM(respectivement 3ème et 4ème au classement par nombre de sièges).
Mais l'USFP est en perte de vitesse parmi sa base électorale pour -entre autre- avoir couru derrière les postes ministériels dans le gouvernement sortant.
Si l'USFP décide de se dénaturer politiquement et s'allier au PJD dans un gouvernement, il pourrait en payer le prix fort durant les élections à venir à cause de la même raison.
Vous vous rappelez qu'il y a quelques semaines, quand le G8 a été formé, tout le monde est sorti crier -y compris moi-même- que c'était une alliance contre nature entre des partis de centre droite, et des petits partis dont un a une référence islamique.
Aujourd'hui et bizarrement tout le monde se tait devant une possibilité ou un parti profondément de Gauche comme l'USFP s'associe avec un parti avec une référence religieuse.
Ne parlons pas du PPS, qui est un parti socialiste qui se trouve à l'opposé du champ politique par rapport au PJD.
Pour moi, si l'USFP et le PPS adhérent à la coalition en formation, ça sera la fin d'une GAUCHE Marocaine et le début d'un chamboulement extra-ordinaire du champ politique Marocain.
Certains veulent glisser cette coalition USFP+PPS avec le PJD comme étant une suite de la Koutla qui regroupe l'USFP+PPS+Istiqlal.
Cette Koutla avait une raison d'être historique : former un front contre les partis dits du "Makhzen". Sauf que cette cause commune de s'allier contre un ennemi commun, n'est plus.
Aujourd'hui, tous les partis se valent, du moment qu'ils ont eu la confiance des électeurs et surtout sans intervention de l'état en faveur de l'un par rapport à l'autre.
La Koutla n'a plus aucune raison d'exister avec un parti Istiqlal.
Il reste alors une option, celle qu'un (ou plusieurs) des composants du G8, à savoir l'UC rejoigne la coalition. L'UC a récolté 23 sièges.
Et ça fait un PJD+PI+UC à 190 sièges. Ce qui est un peu moins que la majorité : Cela affaiblira considérablement le gouvernement : une situation intenable qui lui imposera beaucoup de concessions.
Le MP de Mhaned Laensar peut venir à la rescousse et sauver les meubles. Mais ce dernier n'a pas émis de souhaits de rejoindre ou non la coalition.
Donc, Tout dépendra de l'USFP : Si l'USFP décide de s'associer au PJD, l'UC et MP resteront out. Si l'USFP décide de rester dans l'opposition, il obligera le PJD à s'associer au MP et UC.
Personnellement, et connaissant le leadership actuel de l'USFP, ce parti n'hésitera pas à faire ce mariage contre nature. Le PPS devrait à mon avis, sauf schizophrénie de la part de son bureau politique, devrait se confiner dans un rôle d'opposition parlementaire.
D'autre part, on a vu que l'état est resté neutre durant ces élections. Ce qui est une avancée extra-ordinaire qui respecte l'esprit démocratique. Un grand bravo à ce propos.
Aujourd'hui, le PAM est le seul à avoir annoncé qu'il sera dans l'opposition gouvernementale. Le RNI devrait aussi garder un peu de respect (de dignité ?) pour ses propos et ses programmes et faire autant avant que le PJD ne l'annonce ouvertement.
Ces deux partis auront tout à gagner en étant pour une fois dans l'opposition.
Pour ne pas trop vous embrouillez, je ne parlerai pas du cas qu'on aura après renouvellement des membres de la 2ème chambre, à savoir la chambre des conseillers. En effet, si le PAM/RNI sont majoritaires dans cette chambre, le PJD devra obligatoirement cohabiter avec ces deux partis... et probablement dans un même gouvernement. Un vrai casse-tête chinois à la marocaine.
En prenant la logique politique comme base de réflexion, on peut sentir la complexité des évènements à venir. Et espérons que celle-ci prenne place loin de l'avidité des leaders de nos chers partis.
Faites-vos jeux, mesdames et messieurs. Le jeu est clair, mais pas les joueurs.